ELISABETH VÉROLLOT

MARTYRE DE LA RÉVOLUTION.

Un article anonyme.

Une martyre de la révolution à Lignières.

M. l'abbé Jean Durand, curé de Villy-en-Trodes est venu à Lignières le 20 septembre pour y reconnaître l'emplacement supposé des croix qui existaient avant la révolution, n'en cause la disparition presque totale. L'ecclésiastique, fin connaisseur et véritable spécialiste, a rédigé plusieurs ouvrages très documentés. Il continue inlassablement à augmenter ses connaissances et procède aux vérifications sur place des renseignements qu'il a pu obtenir tant par documents d'archives que de traditions orales. Cela lui permet d'éditer des ouvrages tels que "Guide des Croix de Chemins" (éditons La Renaissance -Troyes).

L'abbé s'est intéressé au cas de Sainte Vérollot, née à Lignières et martyre de la révolution.

Sans vouloir changer un mot à l'étude de l'abbé Durand précisons que les 16 carmélites de Compiègne reposent au cimetière de Picpus où une plaque rappelle leur mémoire en précisant :

" Mortes pour la foi le 17 juillet 1794 " (le nom de Juliette Vérollot figurant en 13° position).

Et l'on peut les imaginer telles que nous les a dépeintes Bernanos dans son inoubliable "Dialogue des Carmélites" et dans l'émouvant film qui s'en est inspiré.

Notre bienheureuse concitoyenne fût la deuxième à gravir les marches de l'échafaud. On peut s'en souvenir les 17 juillet, date retenue pour fêter les carmélites martyres.

Deux articles par l'abbé Jean Durand.

Une martyre de la Révolution à Lignières.

Au nombre des 16 carmélites de Compiègne, morte sur l'échafaud en 1794, figure le nom de Elisabeth Vérollot, originaire de Lignières dans le département de l'aube.

Son père, Georges Vérollot, et sa mère Barbe Golaudin, mariés à Lignières en 1759, eurent 7 enfants dont trois sont morts en bas âge. La future carmélite, Elisabeth Judith, est née le 13 janvier 1764. Deux sœurs l'avaient précédée ; l'année suivante, elle eut un frère Denis dont il sera question plus loin.

Elisabeth était la fille d'un simple cultivateur et la cousine au quatrième degré de trois procureurs fiscaux chargés de veiller aux intérêts du seigneur de Lignières et aux objets d'intérêt commun. Ces trois procureurs firent plusieurs fondations religieuses, ils eurent l'honneur d'être enterrés dans l'église paroissiale. En 1669, l'un d'eux, Alexandre Vérollot, a fait une fondation que l'on voit inscrite sur une lame de cuivre dans l'église.

Elisabeth fréquenta l'unique école du village.

En 1776, deux personnes de Lignières Elisabeth Gilton et Barbe Laribe, se firent religieuses. Dans la grande rue de Lignières elles achetèrent une maison bientôt assortie d'une chapelle dédiée à Saint-Urbain. L'établissement prit le nom de couvent et donna naissance à un collège de filles. Elisabeth Vérollot n'avait que 12 ans. Sa vocation religieuse ne fut pas étrangère à l'influence du collège des sœurs de Lignières car, lorsqu'elle devint carmélite, elle reçut le nom de sœur Saint-François-Xavier. Précisément Barbe Laribe portait déjà le nom de sœur Saint-François.

Un certificat d'état civil, délivré le 9 août 1787, donne à Elisabeth, en second lieu, le nom de Juliette, par déformation de Julie, nom qui l'accompagnera jusqu'au Carmel. La date de cet acte officiel fourni par l'abbé Deschamps, situe vraisemblablement l'entrée d'Elisabeth Vérollot au Carmel de Compiègne, elle avait alors 23 ans. Quelles raisons ont pu l'orienter vers Compiègne, nous l'ignorons. Nous savons seulement que sa vie de prière et de renoncement n'a laissé d'autres traces que celles du silence, un silence total interrompu par les circonstances de son martyre dont voici l'approche.

Le 9 août 1790, la communauté des sœurs est contrainte d'abandonner le monastère et de quitter l'habit religieux. Les sœurs alors s'éparpillent dans la ville de Compiègne par petits groupes de quatre ; elles continuent ainsi à vivre selon la règle du Carmel, cela ne pouvait rester inaperçu.

Devenues suspectes, elles furent emprisonnées le 22 juin 1794. Regroupées en prison, elles s'estimèrent heureuses de pouvoir reprendre ensemble la vie de communauté.

Cette consolation allait bientôt leur être enlevée.

En effet, le 12 juillet suivant, elles sont transférées à Paris ; elles passent devant le tribunal révolutionnaire, la procédure est rapide : elles sont condamnées à mort comme fanatiques.

Ce mot figurant dans le texte du jugement, l'une des sœurs demanda au président-Scellier ce qu'il fallait entendre par là. Elle reçut la réponse suivante :"J'entends par là votre attachement à ces croyances puériles, vos sottes pratiques de religion".

Le 17 juillet au soir, Elisabeth Vérollot et ses compagnes furent guillotinées après avoir reçu la bénédiction de leur mère supérieure qui passa la dernière sur l'échafaud.

Parmi ces 16 victimes, une novice avait 29 ans. Elisabeth Vérollot était la plus jeune des sœurs professes, elle avait 30 ans.

Son frère Denis dont nous avons déjà parlé, l'a précédée de peu vers un monde meilleur : enrôlé pour la défense de la patrie, il est mort à 28 ans, donc un an avant la sœur religieuse.

Il est mort comme volontaire national pour la défense de la patrie ; elle est morte comme criminel pour la défense des droits de Dieu.

Une famille de Lignières, celle des Vérollot, ne fut pas seulement affectée par ces morts brutales. A la suite d'alliances matrimoniales diverses, la tristesse entra dans d'autres foyers de Lignières : au cours du XVIIIe siècle, par exemple les Vérollot contractent trois alliances dans la famille Cornu, deux alliances avec les familles Hugot et Jublin, une avec les familles Lhuillier, Mathieu, Genet, Palvacier et Michaut.

Du côté de Barbe Golaudin, mère de la religieuse, d'autres alliances ont eu à partager la même douleur.

Est-il exagéré de dire que la peine occasionnée par la guillotine et par la guerre fut celle d'un village entier.

Le martyre des carmélites de Compiègne n'a pourtant pas été inutile : dix jours à peine après leur supplice cessait la tourmente qui pendant deux ans avait répandu sur le sol de France le sang de ses enfants.

Les 16 carmélites de Compiègne, parmi lesquelles figure Elisabeth Vérollot, ont été béatifiées par le pape Pie X, le 10 décembre 1905.

Des descendants de la famille Vérollot vivent de nos jours sur le territoire du département de l'aube, je citerai Louis Vérollot, Pierre et Christian Vérollot.

 

Lignières, pays d'une Sainte. Un détail de la Révolution. Elisabeth Vérollot.

Elisabeth Vérollot est née à Lignières le 14 janvier 1764. Le dossier qui a permis d'introduire à Rome la béatification des 16 carmélites de Compiègne, jette quelques jalons précis sur la vie de la bienheureuse Elisabeth. Celle-ci quitta Lignières et entra comme novice au Carmel le 17 janvier 1787. Dès son entrée elle se fit remarquer par son sang-froid et par son caractère de franchise et de gaieté.

Le sang-froid était une caractéristique de la famille Vérollot. On rapporte que Nicolas Vérollot portait un jour la croix en tête de la procession des Rogations. La procession se dirigeait vers la croix de Sainte Valburge lorsque survint un loup enragé. La panique se répandit aussitôt dans les rangs de la procession. Cependant Nicolas Vérollot fit front avec le bâton qui formait la Hampe de la croix et qu'il tenait en main : il parvint à l'enfoncer dans la gueule du loup. Mais au cours de cette lutte il contracta la rage. Par la suite on dut se résoudre à l'étouffer entre deux matelas, sorte d'euthanasie qui se pratiquait alors dans les cas de ce genre.

Revenons à Elisabeth Vérollot. Celle-ci prit l'habit religieux le 9 janvier 1788, donc un an après son entrée au Carmel. L'année suivante Elisabeth s'engageait définitivement. Au moment de prononcer ses vœux perpétuels la mère supérieure crut bon de mettre sous les yeux de la postulante la perpective des malheurs qui menaçaient alors les ordres religieux : "Ah ! ma bonne mère, lui répondit Elisabeth Vérollot avec sa naïveté coutumière, vous pouvez être tranquille ; pourvu que j'aie le bonheur d'être consacrée à Dieu, je suis contente quoiqu'il arrive ". Elle fit donc sa profession religieuse le 11 janvier 1789 sous le nom de sœur Françoise, elle avait 25 ans.

La mère prieure n'eut qu'à se louer de sa jeune recrue ; le 9 octobre de la même année, elle portait sur elle le jugement suivant : " Cette bonne petite Saint-François dont je crois les prières bien agréable au bon Dieu, à cause de la candeur de son âme ". Elisabeth Vérollot était déjà prête pour le martyre. Cinq ans plus tard, le couperet de la guillotine, mettra un point final au courage de la vierge de Lignières.

Le registre de la conciergerie établit qu'avec les 16 carmélites de Compiègne, dont Elisabeth Vérollot, 24 autres personnes périrent le même jour. Au reste, depuis le 14 juin jusqu'au 27 juillet 1794, c'est-à-dire en moins de six semaines, 1298 victimes de l'échafaud ont été inhumées au cimetière Picpus ; ce n'est qu'un détail de la Révolution.

 

 

Statistique monumentale de l'Aube

17 juillet - Sur un char de feu - Elisabeth Vérollot, 1764-1794.

"L'an second de la république... une et indivisible, le vint-neuf (sic) Messidor (=17 juillet) à la requête du citoyen accusateur public (c'était Fouquier-Tinville) près le Tribunal Révolutionnaire, établi à Paris par la loi du 10 mars 1793, séant au Palais"... le citoyen huissier donnait au concierge de la Maison de Justice signification du jugement qui condamnait à mort les nommées Lidoine, Pellerat, Vérollot, et autres... c'est-à-dire seize religieuses carmélites, prévenues de "fanatisme".

Le crime était d'ailleurs assez mal défini. A la sœur qui demandait au Citoyen-Accusateur ce qu'il entendait par fanatiques, Fouquier-Tinville répondait par une bordée d'injures. Et puis sommé de répondre, il avait dit : "J'entends (par fanatisme) votre attachement à des croyances puériles, vos sottes pratiques de religion". Cet aveu avait rassuré les sœurs. Ainsi, elles ne mouraient point pour avoir conspiré "contre la souveraineté du Peuple", honoré "la mémoire de Capet", mais pour leur fidélité au Christ. C'est tout ce qu'elles voulaient savoir.

Or, parmi ces femmes pour l'échafaud, il y avait une fille de ce diocèse, Elisabeth Vérollot.

VIERGES CHAMPENOISES

On s'émerveille devant le visage des Vierges Champenoises du XVIe siècle. On sait maintenant que les pierres ont leurs modèles dans la vie : de jeunes chrétiennes qui pourraient montrer à l'occasion une fiche d'identité de ce genre :

Nom de religion : Sœur Saint François Xavier.

Nom de famille : Elisabeth Vérollot.

Née le : 13 janvier 1764.

Baptisée le : même jour.

à : Lignières (Aube).

Entrée en Carm : 17 janvier 1787.

Signalement :

Taille : 5 pieds (=1m60 env.). Cheveux bruns. Yeux : gris.

Front : ord. Visage : rond

Bref, une chrétienne comme tant d'autres, grandie au milieu des travaux de la ferme, fortifiée par la foi d'une paroisse bien vivante, chaque jour de la semaine. " Tout d'une pièce-accrochages possibles. Franche, de l'entrain, beaucoup de bonté". Ainsi que s'exprime le P. Bruno qui publie cette fiche.

Elisabeth avait accepté le nom d'un grand missionnaire : François-Xavier. Elle savait bien à quoi l'on s'expose en devenant "missionnaire". Sa prieure le lui avait rappelé, à la veille de sa profession, le 11 janvier 1789. Il lui était toujours possible de retrouver les verts pâturages que domine l'acropole d'Ervy, d'assurer une présence chrétienne au village, en des années qui s'annonçaient mauvaises. Elle préféra s'en remettre à Dieu sur la manière de servir : " Ah ! Ma bonne mère, ne vous mettez pas en peine pour moi, parce qu'allez, le Bon Dieu en prendra soin".

Or, il n'est plus nécessaire ici de "démythifier" la passion des martyres pour arriver, comme dans le haut moyen âge, à la rigueur des témoignages.

Sur le char de feu

Les sœurs entendirent la sentence de mort dans cette même salle du palais, ou Saint Louis avait tenu ses audiences publiques. Elles descendirent ensuite par la cour de Mai vers la cour des femmes, où la Mère prieure avait réussi à offrir à ses filles une tasse de chocolat : c'était d'ailleurs l'heure du goûter ! Probablement vêtues de leur manteau de chœur, elles sont chargées sur des charrettes, les mains liées derrière le dos. Par le faubourg Saint-Antoine, on les amène à la barrière du Trône, où les attendent le maître bourreau et ses valets, manches retroussées. Derrière une haie de soldats, des gens venus pour voir, crier ou se moquer.

Dès que les religieuses entonnent le chant du Veni Creator, la foule se tait. Une par une, et après avoir baisé la statuette de la Sainte-Vierge que leur offre la mère prieure, les sœurs montent à l'échafaud, à commencer par la plus jeune. Le maître-bourreau les prend par le bras gauche, le grand valet par le droit, l'autre par les jambes. En un clin d'œil, la condamnée est couchée sur le ventre. On entend le choc de la bascule, le bruit de la lunette, la chute du couteau. La tête tombe dans un horrible sac de cuir. Les corps tout habillés sont jetés dans un grand tombereau peint en rouge où pêle-mêle, tout nage dans le sang. (P. Bruno, et Lenotre, p. 483).

"Une épouse bien-née avec son époux, et rien ne peut le lui faire abandonner." C'est ce qu'avait déclaré Elisabeth aux enquêteurs de Compiègne. Elle savait d'autre part que "la fin de l'ordre du Carmel, c'est de prier pour les pêcheurs... qu'une carmélite est chargée de continuer et de compléter en quelque sorte la médiation de Jésus-Christ".

Dix jours après l'holocauste, Paris se débarrassait des Jacobins et envoyait Robespierre à la guillotine (c'était le 9 Thermidor).

Le 27 mai 1906, Saint Pie X, en les offrant à la vénération de toute l'église, béatifiait les martyres du Carmel.

l ( Elisabeth Vérollot. Famille d'Elisabeth : Son père, Georges Vérollot (mort en février 1811) s'était marié en février 1759 à Berthe Golaudin (morte en 1791). Sept enfants naquirent de ce mariage : Véronique (1760-1762), Reine (1762 et mariée plus tard à Denis Bazarne), Elisabeth (1764-1794 notre martyre), Denis (1765, mort "pour la république" en 1795), deux jumeaux : Henri (1767- ? ) et François (1767-1768) et enfin le dernier Paul (1769-1770). Georges Vérollot épousa en secondes noces le 6 juin 1791 Anne Thiney, (veuve de Fr. Palvacier, morte en 1810). D'après les renseignements recueillis dans les archives paroissiales par Mme Paillet-Gilton (Lignières).

l ( On dit qu'un jour, un char de feu emporta vers le Ciel, le prophète du Carmel. Aux yeux de l'Eglise, le tombereau rouge des carmélites estomperait désormais ce chat légendaire, que les feux de l'amour arrachent de la terre vers le paradis.

 

 

 

DU CARMEL A L'ECHAFAUD - DENYS LE SAYEC - Editions TEQUI.

(extraits du livre)

 

 

Leur exemple est un appel.

Le 17 juillet 1794, en pleine Terreur, 16 religieuses, carmélites de Compiègne, étaient condamnées à mort. Elles furent guillotinées le même jour à la barrière de Vincennes, sur la place du Trône, l'actuelle place de la Nation, vers 8 h du soir. Offrant leur vie en holocauste pour la restauration de la paix en France et dans l'église, l'une après l'autre, elles montèrent à l'échafaud dressé sur la place, en chantant les louanges de Dieu sur les marches de la guillotine, après avoir reçu la bénédiction de leur prieure qui obtint la faveur d'être exécutée la dernière. Les cadavres, avec ceux des victimes de ce jour-là, furent jetés dans l'une des fosses de Picpus (dans un terrain sis à l'extrémité du faubourg de Picpus, devenu depuis le cimetière parisien de Picpus).

Peu après le centième anniversaire de leur martyre (qui fut l'occasion de fêtes solennelles à Compiègne), le cardinal Richard, archevêque de Paris, ordonna l'ouverture du procès canonique (23 février 1896). Déclarées Vénérables (sic) par Léon XIII le 16 décembre 1902, elles furent les premières victimes de la Révolution française à être béatifiées par Pie X, le 27 mai 1906.

On sait que cet assassinat frappa la romancière allemande Gertrud Von Le Fort, qui en tira un livre ou une nouvelle romancée en 1931 : La dernière à l'échafaud, et qui fut traduit en français aux éditions Desclée De Brouwer en 1937.

Après la guerre (1939-1945), le révérend père Bruckberger obtint les droits pour l'adaptation cinématographique de la "nouvelle" et, son collaborateur Philippe Agostini, en tira un scénario de 52 séquences. Quant aux dialogues pour ce scénario, Bruckberger avait d'abord demandé à Albert Camus qui refusa, disant qu'il n'avait pas la foi, et qu'il valait mieux s'adresser à Bernanos.

Lorsque au début de 1948, Bernanos entreprend les Dialogues, il n'a plus que sept mois à vivre, miné par un cancer (il avait 59 ans). Il mènera ses carmélites "avec beaucoup de soin et d'amour" au don de leur vie et celles-ci, à leur tour, l'aideront à se préparer à mourir. C'est vers la mi-mars 1948 que Bernanos, fiévreux et souffrant, achève de mettre au clair les Dialogues des carmélites. "Je crois bien que j'ai fait quelque chose de bien", dira-t-il à son épouse. Il dut s'aliter définitivement en mai, avant d'être transporté à l'hôpital américain de Neuilly-sur-Seine où il devait mourir le 5 juillet 1948, après une opération.

"Les Dialogues furent publiés aux éditions du Seuil, dès 1949."

Le père Bruckberger les porta à l'écran en 1960.

Enfin en 1984, Pierre Cardinal, qui déjà réalisa Sous le soleil de Satan, en fit une remarquable adaptation pour le petit écran (antenne 2).

La vérité est en partie déformée, il n'y a que quatre personnages historiques dans l'œuvre de Bernanos et elles ne sont pas à leur vraie place, à part la prieure qui, au moment de l'exécution, fut effectivement Madame Lidoine. Tout le reste a été inventé par Gertrud Von Le Fort, repris dans le scénario, puis merveilleusement transfiguré par Bernanos dans ses Dialogues.

Il n'en reste pas moins vrai que les très beaux Dialogues des carmélites et les belles œuvres théâtrales, musicales et cinématographiques qui en sont issues ont largement contribué à faire connaître, jusqu'au bout du monde, le martyre à l'échafaud des 16 carmélites de Compiègne.

Le R.P. Bruno de Jésus-Marie, carme, dans son livre Le sang du carmel, a ouvert les dossiers de l'Histoire.

Les carmélites de Compiègne à l'aube de la Révolution.

En 1789, lorsque éclate la Révolution française, le carmel de Compiègne compte 16 religieuses (dont une novice), 3 converses ou sœurs de voile blanc et 2 tourières.

Au moment de l'arrestation des religieuses en juin 1794, sœur Marie de l'Incarnation n'étant pas à Compiègne échappera à la mort.

Elle se retirera au carmel de Sens en 1823 et sur la sollicitation expresse de M. Villecourt, futur cardinal, supérieur du carmel de Sens et vicaire général de cette ville - qui lui avait demandé une notice biographique sur chacune de ses compagnes martyres - sœur Marie de l'Incarnation nous a laissé de précieux documents, dans un ouvrage édité à Sens en 1836, l'Histoire des religieuses de Compiègne, par les soins de Mgr Villecourt.

Ce dernier atteste "la pénétration de son esprit, la solidité de son jugement, la ténacité de sa mémoire".

Les manuscrits originaux de Marie de l'Incarnation - dont une partie se trouve au carmel de Sens, et l'autre partie au carmel de Compiègne - ont fait l'objet d'une étude très approfondie du père Bruno.

Pour chaque religieuse martyre, nous mettons l'appréciation de sœur Marie de l'Incarnation entre guillemets, ainsi que les renseignements qu'elle nous donne sur l'arrestation et la condamnation des religieuses.

Notre guide est le livre de base qu'est le solide et gros ouvrage documentaire du père Bruno de Jésus Marie, carme, volume de plus de 500 pages, édité chez Plon en 1954 : La Véritable Passion des seize carmélites de Compiègne : le Sang du carmel.

Nous nous trouvons, avec ces documents, dans l'historicité exacte.

 

Les 16 carmélites.

Mère Thérèse de Saint-Augustin. Marie Madeleine Claudine Lidoine.

Née à Parie le 22 septembre 1752. Marie Madeleine Claudine Lidoine est baptisée en l'église Saint-Sulpice, le lendemain de sa naissance.

Elle reçut dans sa famille une éducation très soignée.

"Réunissant dès son enfance une très grande piété à beaucoup d'esprit, elle se sentit de bonne heure appelée à l'état religieux. Elle entra dans notre maison des carmélites de Compiègne en août 1773, âgée de 21 ans. Elle prit le nom de l'illustre prieure de notre maison de Saint-Denis, son auguste protectrice, la mère Thérèse de Saint-Augustin." (L'illustre prieure de Saint-Denis était Madame Louise de France, fille de Louis XV.

Au bout de 11 ans de profession, elle est élue prieure et est prête pour la grande tourmente. Elle a 37 ans en 1789.

Sœur Saint-Louis. Marie Anne Françoise Brideau.

Sœur Saint-Louis est la sous-prieure.

Marie Anne Françoise Brideau était née à Belfort (Haut-Rhin), le 7 décembre 1751 et baptisée le jour même de sa naissance, en l'église paroissiale et collégiale de Belfort.

Des indices nous laissent penser qu'elle fit ses études au couvent de la Visitation de Compiègne - ville de Compiègne où son parrain se trouvait casernier du Roi. Ce qui explique son entrée au carmel de Compiègne, à l'âge de 19 ans.

Elle a 38 ans en 1789.

Sœur de Jésus-Crucifié. Marie-Anne Pisedcourt.

Sœur de Jésus-Crucifié, Marie-Anne Piedcourt, née à Paris le 9 décembre 1715, est baptisée le même jour en la paroisse des Saints-Innocents, réunie à celle de Saint-Jacques le Majeur.

Elle entra au carmel de Compiègne à 19 ans. C'était la doyenne de la communauté (la plus ancienne en présence).

"Elle exercera pendant de nombreuses années la charge de première sacristine..."

Elle a 74 ans en 1789.

Sœur Charlotte de la Résurrection. Anne Marie Madeleine Françoise Thouret.

Sœur Charlotte de la Réserrection, Anne Marie Madeleine Françoise Thouret, était née à Mouy, dans l'Oise, le 16 septembre 1715, et baptisée le même jour en l'église de Mouy (diocèse de Beauvais).

Elle entra au carmel de Compiègne à 21 ans.

Elle se dévoua sans compter dans la charge d'infirmière où elle contracta une déformation de la colonne vertébrale qui la fit beaucoup souffrir.

Elle fut aussi sous-prieure, économe, première tourièrren sacristine.

Elle est la seule dont subsiste un portrait authentique, conservé par sa famille (M. Des Cloiseaux à Beauvais).

Elle a 74 ans en 1789.

Sœur Euphrasie de l'Immaculée Conception - Marie Claude Cyprienne Brard.

Sœur Euphrasie de l'Immaculée Conception, Marie Claude Cyprienne Brard, née à Bourth dans l'Eure le 12 mai 1736, est baptisée le même jour en l'église paroissiale de Bourth.

Elle entra au carmel de Compiègne à l'âge de 20 ans.

Elle a 53 ans en 1789.

Mère Henriette de Jésus - Marie-Françoise de Croissy.

Marie Henriette de Jésus, Marie-Françoise de Croissy, naquit à Paris le 18 juin 1745 et fut baptisée le même jour en l'église Saint-Roch.

Petite nièce de Colbert, elle entre au carmel de Compiègne à 17 ans, après avoir tenté d'y entrer à 16 ans.

Elle fut réélue prieure une deuxième fois, jusqu'en 1786. Mère Thérèse de Saint-Augustin lui confie alors la charge de maîtresse des novices.

Elle a 44 ans en 1789.

Sœur Thérèse du Cœur de Marie - Marie Anne Hanisset.

Sœur Thérèse du Cœur de Marie, Marie Anne Hanisset, est née à Reims dans la Marne, le 18 janvier 1742, et baptisée le même jour dans la paroisse Saint-Symphorien de Reims. Elle entre au carmel de Compiègne à 21 ans.

Elle est première tourière de l'intérieur et deuxième conseillère de la communauté.

Elle a 47 ans en 1789.

Sœur Thérèse de Saint-Ignace - Marie Gabrelle Trézel.

Sœur Thérèse de Saint-Ignace, Marie Gabrielle Trézel, née à Compiègne le 4 avril 1743, est baptisée le même jour en l'église Saint-Jacques. Elle a 27 ans à son entrée au carmel de Compiègne.

Sa famille qui habitait Compiègne était "d'une opinion tout opposée".

Elle avait 46 ans en 1789.

Sœur Julie Louise de Jésus - Rose Crétien de Neuville.

Sœur Julie Louise de Jésus, Rose Crétien de Neuville, est née le 30 décembre 1741 à Evreux dans l'Eure. Elle est baptisée le même jour en la paroisse Saint-Denis d'Evreux.

A 18 ans, elle épouse un cousin germain, le sieur Crétien de la Neuville, dont elle demeura veuve après cinq ou six ans de mariage. Elle s'enferme de longs mois dans son chagrin, ne voulant plus voir personne.

C'est Madame Louise de France qui l'orient vers le carmel de Compiègne en 1776.

Le novicia est difficile, mais "à dater du jour qu'elle prononça ses vœux, la gaieté et la sérénité parurent sur son front et se substituèrent à cet air grave....".

Elle a 48 ans en 1789.

Sœur Marie-Henriette de la Providence - Marie Annette Pelras.

Sœur Marie-Henriette de la Providence, Marie Annette Pelras, est née à Cajarc, dans le Lot, le 16 juin 1760. Elle est baptisée deux jours après sa naissance, le 18, dans l'église de Cajarc.

Elle sollicita son admission au carmel de Compiègne à 25 ans.

Elle y remplit la fonction d'infirmière.

Elle a 29 ans en 1789.

SœurConstance (novice) - Marie Geneviève Meunier.

Sœur Constance, Marie Geneviève Meunier, naquit à Saint-Denis, dans la Seine, le 28 mai 1765.

Elle est baptisée le lendemain 29 mai, en l'église Saint-Marcel de Saint-Denis.

Elle entre au carmel de Compiègne en 1788 - elle a 23 ans.

Sœur Constance a 24 ans en 1789.

Sœur Marie du Saint-Esprit - Angélique Roussel.

Née le 3 août 1742, à Fresnes-Mazancourt dans la Somme, Sœur Marie du Saint-Esprit, Angélique Roussel, fut baptisée le lendemain 4 août dans l'église de Fresnes, au diocèse de Noyon (évêché supprimé au Concordat et rattaché au diocèse de Beauvais en 1823).

Elle entre au carmel de Compiègne à l'âge de 31 ans, en qualité de sœur converse (religieuse employée au service domestique du couvent).

Elle a 47 ans en 1789.

Sœur Sainte Marthe - Marie Dufour.

Sœur Sainte Marthe, Marie Dufour, naquit à Bannes, dans la Sarthe, le 2 octobre 1741. Elle est baptisée le même jour dans l'église de Bannes.

L'un de ses petits-neveux, Mgr Siméon Berneux (1814-1866) se trouve parmi les martyrs de Corée canonisés par le pape Jean Paul II.

Elle a 48 ans en 1789.

Sœur Saint François Xavier - Elisabeth Julitte Vérollot (Elisabeth Judith ?)

Née à Lignières, dans l'Aube, le 13 janvier 1764, sœur Saint François Xavier, Elisabeth julitte Vérollot, fut baptisée ce même jour en l'église Saint-Martin de Lignières. Elle est entrée au carmel de Compiègne à 23 ans, à titre de sœur converse.

Sœur Saint François Xavier a 25 ans en 1789.

Catherine Soiron (tourière)

Anne Catherine Soiron née à Compiègne le 2 février 1742 et baptisée ce même jour en l'église Saint-Jacques de Compiègne.

"... Elle avait 30 ans lorsque nos mères, informées de la sagesse et de la piété de cette fille, la prirent pour tourière du dehors (c'est-à-dire assurant le service extérieur).

Son grand dévouement à la communauté lui fit solliciter avec maintes prières la grâce d'y rester attachée. Cette grâce lui fut accordée et avec elle, celle de finir ses jours par la gloire du martyre..."

Elle avait 47 ans en 1789.

Thérèse Soiron (tourière).

Thérèse Soiron, sœur de Catherine, était née également à Compiègne le 23 janvier 1748 et baptisée en l'église Saint-Jacques de Compiègne ce même jour.

A l'âge de 25 ans, elle entre au carmel de Compiègne en qualité de tourière, avec sa sœur.

La princesse de Lamballe (amie de la Reine), ayant eu l'occasion de la voir au service des carmélites, la remarqua pour sa beauté et voulu se l'attacher. Elle s'attira cette fière réponse :

"Quand Votre Altesse m'offrira la couronne de France, et qui plus est, l'univers entier, je n'en voudrais pas, parce que je préfère rester dans la place où le Bon Dieu m'a mise."

Elle a 41 ans en 1789.

 

 

(ensuite je n'indique que les titres de chapitres, lire le bouquin pour plus d'informations).

La communauté du Carmel de Compiègne comprenait également :

Dans la tourmente révolutionnaire.

Offrir sa vie.

La dispersion et l'arrestation.

Le grand départ.

La conciergerie et la condamnation à mort.

La montée à l'échafaud.

"Le jour de gloire est arrivé !"

 

Bibliographie.

Archives Nationales.

Archives départementales.

Archives communales.

Archives de l'archevêché de Paris (Procès informatif de la Béatification, 2 volumes reliés, 1896-1899).

Carmel de Compiègne.

Manuscrit de sœur Marie de l'Incarnation (Carmel de Sens et de Compiègne).

Ouvrages :

G. Bernanos, Dialogues des carmélites (d'après une nouvelle de Gertrud Von Le Fort et un scénario du R.P. Bruckberger et de Ph. Agostini), Paris éd. du Seuil, 1949.

J.L. Bernanos, Georges Bernanos, à la merci des passants, Paris, éd. Plon, 1986.

P. Bruno de J.M., Le sang du carmel, Paris, éd. Plon, 1954.

W. Bush, Bernanos et les carmélites de Compiègne, Compiègne, Imp. Service Ateliers Carmel, 1985.

M. Villecourt, Histoire des religieuses carmélites de Compiègne, Sens, Imp. Thomas Malvin, 1836.

H. Vigié, les 16 carmélites à l'échafaud, Compiègne, Imp. Service Ateliers Carmel, 1985.

G. Jacquemet, Encyclopédie "Catholicisme", Paris, éd. Letouzey, 1949.

G. Lenotre, Histoire du Tribunal révolutionnaire, Paris (TomeV), Hachette, 1881. Le Jardin de Picpus, Paris, éd. Perrin, 1955. (Livret guide : Le jardin historique de Picpus, 35, rue de Picpus, Paris. Réalisation : Horizons blancs, Paris, O.A. Auteuil).

A. Sorel, les carmélites de Compiègne devant le Tribunal révolutionnaire. Compiègne, Imp. Lefebvre, 1878.

R. P. Ory, Procès de béatification.

Daniel-Rops, Histoire de l'Eglise du Christ (Tome IX), Paris, 1962-1965. Lib. Fayard-Ed. Grasset.

Gertrud von Le Fort, La dernière à l'échafaud, Paris, éd. Desclée de Brouwer (traduction 1937).

Jaca Book et Joseph Richard, Histoire des Chrétiens, Paris, 1980-82 (éd.française), Hachette, Le Sarment, Le Centurion (Tome VIII).

Religieuses Carmélites de France, Sainte Thérèse de Jésus "Vers le source qui chante", Veyrins, 1983, éd. du Champon.

G. Cerbelaud-Salagnac, Prénoms traditionnels et d'aujourd'hui, Paris, éd. Téqui, 1984.


Dernière mise à jour le 01/12/99
Par Corinne PROTAT
Email: gerard.mathieu@oreka.com
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